L’Inquiétude

Mise en scène

Yvan Rihs

Jeu

Benjamin Knobil, Olivier Yglesias

Lumières

Aurélien Gattegno

Bande son

Thomas Bouvier

Masques et accessoires

Anouk Gressot et les ateliers créatifs de Champ-Dollon

«A nous qui devenons muets à force de communiquer, le théâtre vient rappeler que parler est un drame; à nous qui perdons la joie de notre langue, le théâtre vient rappeler que la pensée est en chair; à nous pris dans le rêve de l’histoire mécanique, il montre que la mémoire respire et que le temps renaît».

Valère Novarina est certainement aujourd’hui l’un des auteurs dramatiques les plus revigorants. Provoquant furieusement les principes courants du théâtre, son écriture, pâte à mâcher, à mastiquer ou à déglutir, nous offre de nous étonner à nouveau de cette pratique si ordinaire qu’est le fait de parler. L’Inquiétude est la deuxième version pour la scène du Discours aux animaux. Discours tenu par un Jean qui Cloche pour nous mettre dans l’oreille sa vie de personne, pour nous conter ce qu’il a vécu. Mais c’est bientôt moins l’histoire d’un individu singulier que celle d’une langue qui s’insurge contre les définitions restrictives de l’être. Une fête des mots : pas ceux dont on maîtrise les sens en crânant et qu’on peut utiliser comme des pièces de monnaie, comme des outils de communication, mais ceux qu’on voit grimper sur des acteurs comme du lierre, libérés de l’étroite tutelle de la société humaine et
de ses roulements de mécanique. Dans ce récit de vie, les mots, dont on attend qu’ils nous indiquent le sens de l’existence, se sont débarrassés des significations simples pour devenir une masse organique éclatante.

Deux acteurs jouent ici ce monologue comico-tragique, comme un double canon bouché qui finit par péter par derrière, laissant virevolter dans toutes les directions, en une danse jubilatoire, des morceaux d’enfance, des listes de choses dites ou entendues, des détritus d’actions mal faites, des cris de victoire, des cris de déboire, des chutes burlesques, un jaillissement protéiforme qui fait voler en éclat le flux quotidien du langage et nous fait toucher ainsi le plus intimement du monde aux mystères de la vie.

Yvan Rihs